Publié dans la catégorie Recettes syriennes – Saveurs d’Exil
Je me souviens du bruit du mortier, lourd et régulier, dans la cour ensoleillée de notre maison à Alep. Ce n’était pas un bruit gênant, mais presque rassurant, celui du blé concassé qu’on écrasait pour en faire la pâte de la kebbeh. Enfant, je ne comprenais pas pourquoi il fallait tant d’efforts pour préparer ce plat. Aujourd’hui, je sais. La kebbeh n’est pas juste une recette. C’est un rituel, un fil qui me relie à mon père, à ma grand-mère, à une ville que j’ai quittée mais qui ne m’a jamais quitté.
La kebbeh d’Alep, ou kebbeh bel saniyeh, est différente des autres. Elle ne se frit pas en boulettes. Elle se façonne en deux couches de pâte fine à base de boulgour et de viande, renfermant un cœur fondant aux oignons caramélisés, pignons et viande hachée. Elle est cuite au four, tranchée en losanges comme un gâteau. Elle est belle, fière, complexe. Comme Alep.
300 g de viande de bœuf hachée
1 oignon râpé
1 cc de sel
1/2 cc de poivre
Eau froide
300 g de viande hachée
2 gros oignons émincés
50 g de pignons de pin
1 cc de cannelle
Sel, poivre
2 cs de ghee ou d’huile d’olive
Préparer le boulgour : le rincer et le laisser tremper 10 minutes. Égoutter et presser à la main pour retirer l’excès d’eau.
Faire la pâte : mélanger le boulgour, la viande, l’oignon râpé, le sel et le poivre. Pétrir longuement jusqu’à obtenir une pâte homogène. Ajouter un peu d’eau si nécessaire.
Préparer la farce : dans une poêle, faire revenir les oignons dans le ghee. Ajouter la viande hachée, cuire à feu moyen. Ajouter les épices et les pignons. Laisser refroidir.
Monter la kebbeh : huiler un plat à gratin. Étaler une première couche fine de pâte (humecter vos mains pour éviter que ça colle). Ajouter la farce. Recouvrir d’une seconde couche. Tracer des losanges avec un couteau. Arroser d’un filet d’huile.
Cuire au four à 200°C pendant 40 minutes, jusqu’à ce que la surface soit bien dorée.
Chaque bouchée est un retour. Le croustillant du dessus, le moelleux de la farce, les parfums de cannelle et d’oignon… Tout me parle d’Alep, de ma famille, de ces dimanches où la maison sentait la kebbeh dès le matin.
Aujourd’hui, je fais cette recette à Annemasse. Le boulgour vient d’une épicerie arménienne, les pignons coûtent cher, et je n’ai plus de mortier en pierre. Mais quand je sers la kebbeh à mes amis, je leur donne bien plus qu’un plat : je leur tends une part de mon histoire.